L’homme aux deux casquettes
Vigile de jeu considéré et décideur implacable: Urs Schnyder (33 ans), arbitre de la FIFA et professeur de sport, doit garder la tête froide quand la tension monte.
Le match suit son cours, les vingt-deux hommes ne quittent pas le ballon des yeux. Tout va bien. On remarque à peine l’arbitre, Urs Schnyder, qui se tient en retrait. Il n’est pas l’acteur principal sur le terrain, certes, mais ses décisions pèsent lourd. La preuve: un coup de sifflet et tous les regards se tournent vers lui. Malgré les années passées dans la plus haute ligue du championnat suisse de football, il s’est fait peu d’ennemis dans ce milieu, contrairement à nombre de ses collègues. Un cas à part.
Il explique cette bonne réputation par son approche du métier: «Je ne suis pas là pour juger, mais pour conduire le jeu.» Comprenez: ne pas suivre le règlement à la lettre, laisser une place à l’interprétation, aller vers les joueurs et les écouter. «Mes possibilités d’action sont plus grandes qu’on pourrait le croire.» Inutile selon lui de sortir d’emblée le carton jaune si un footballeur ne respecte pas les règles du coup franc: «Je m’approche tout près de lui et je lui fais comprendre que je ne le tolérerai pas une seconde fois.»
Pour Urs Schnyder, mieux vaut montrer de l’empathie que faire le dur. Cela va de soi. D’ailleurs, il est partisan de la main de fer dans le gant de velours. Ce qui semble lui réussir, puisque le Lucernois est, depuis 2018, un des huit arbitres suisses FIFA. Il arbitre les parties de la Super League et les rencontres internationales.
Moins de sévérité égal plus de joie
Goût de la réflexion et bon relationnel sont des qualités utiles à Urs Schnyder sur un autre terrain. En effet, l’arbitre est aussi professeur de sport à mi-temps. Ses élèves préparent la maturité au gymnase du Kirchenfeld, à Berne. Il tient absolument à ce qu’ils aient du plaisir à exercer une activité physique. C’est cette approche qu’il emploie pour transmettre aux jeunes le goût au sport. «Je ne pourrais pas y parvenir, si j’usais de sévérité et de sanctions.»
Chaque fois qu’il le peut, Urs Schnyder est à l’écoute des idées de ses élèves et les laissent tantôt agir à leur guise. «Après tout, le sport est aussi une soupape, autant qu’ils évacuent leur pression!» Leur accorder de la liberté ne signifie pas leur lâcher la bride pour autant. «Je leur fixe des limites.» Il est évident qu’elles sont plus souples à l’école que sur un terrain de football, puisqu’il n’y a pas de règlement.
Quand un élève ne les respecte pas, le professeur sévit. Au football, les infractions ont des conséquences. Dans l’enseignement, elles donnent lieu à une discussion, puis éventuellement à une sanction. Il est vrai que lors d’un match, «on ne peut guère faire traîner les choses».
«Je ne suis pas là pour juger, mais pour conduire le jeu.»
Autorité naturelle
S’en tenir aux règles et se montrer en doux compagnon: Urs Schnyder a su trouver le bon équilibre, grâce à une «une autorité naturelle», comme il la qualifie lui-même. Un mélange de confiance en soi, de contenance et d’expérience professionnelle. «Je dégage quelque chose qui en dissuade plus d’un de se moquer de moi.»
Urs Schnyder sait qu’il doit se montrer transparent sur lui-même et sur son travail s’il veut être respecté. «Je passe mon temps à expliquer, mes intentions sont claires.» Dans notre société, la transparence est désormais une tendance forte. Il n’y a rien de pire qu’une punition soudaine dont le destinataire ignore la raison. «Le seul fait que je sois enseignant et arbitre ne suffit plus à m’attirer la considération.» Les gens sont devenus plus critiques, on doit donc se justifier plus souvent.
«C’est en tant qu’arbitre que la pression est souvent la plus vive», on est constamment observé et les réclamations pleuvent de toute part. Fort heureusement, Urs Schnyder a sa propre soupape: il est le guitariste et chanteur du groupe de métal lucernois «Preamp Disaster». Sur scène, il ne vit plus que pour la musique. Il n’a de comptes à rendre à personne et pas de risque de se prendre un carton jaune pour une fausse note.
Marc Perler