Printemps des ours bernois
La fin de l’hibernation marque la reprise d’un travail apprécié. Comment un gardien d’ours du parc du Dählhölzli vit-il la naissance du printemps et quel rôle y joue le babyphone ?
L’oreille gauche tressaille timidement et un œil cligne encore alourdi de fatigue. On ne discerne que peu de mouvements sur les images vidéo que Thomas Zurbuchen (42 ans) examine dans la maisonnette surplombant l’ancienne fosse aux ours. « Pendant que les ours hibernent dans leur tanière, nous – les gardiens – pouvons reprendre un peu haleine pour une fois. » Mais lorsque les jours se rallongent et que les températures remontent comme maintenant, le repos touche à sa fin. Dès fin mars, les ours quittent leurs repaires hivernaux : Mischa et Mascha dans le parc du Dählhölzli, et Finn, Björk et Ursina dans le parc aux ours. Leur date de réveil au printemps n’est pas uniquement fonction de l’environnement. Chaque ours a son propre rythme : ceux dont les réserves adipeuses sont moindres se réveillent plus tôt, tandis que les plus âgés somnolent plus longtemps.
Astuce de la chambre d’enfants
Le responsable des plantigrades du parc du Dählhölzli observe le réveil des ours sur son écran de vidéosurveillance. Seule exception : papa ours Finn. Thomas Zurbuchen indique le petit appareil sur son bureau : un babyphone. Cet instrument destiné aux chambres d’enfants est le meilleur moyen pour rester en contact avec le chef des ours. Son lieu de repos favori, l’étable dans l’ancienne fosse aux ours, ne fait pas l’objet d’une vidéosurveillance. En hiver, le gardien capte ici ou là un signe de vie grâce à l’appareil, un bruissement de paille ou un lapement dans l’abreuvoir. À compter du mois de mars, les bruits se multiplient jusqu’à l’éclosion du printemps des ours. Le babyphone devient alors superflu : « Lorsque Finn veut sortir de l’étable, le vacarme qu’il fait est tel que toute la vieille ville l’entend », explique Thomas Zurbuchen en riant.
Métamorphose hivernale
Chez les ours, la transition entre l’hibernation et les mois d’activités est progressive. Dans un premier temps, les mammifères ne font que de brèves apparitions hors de leurs tanières, puis leurs promenades se prolongent progressivement à dix, vingt minutes. Ce sont ces premiers pas empotés hors de leur quartier d’hiver que Thomas Zurbuchen observe avec le plus d’intérêt et qui parfois le stupéfient : « J’ai parfois l’impression au printemps d’être en présence d’ours totalement différents. » L’hiver a revêtu ses protégés d’un nouveau costume : leur pelage est désormais plus sombre et l’animal a maigri d’une soixantaine de kilos.
Les premiers temps qui succèdent à l’hibernation et la phase d’exploration mue par la curiosité sont aussi poignants que le moment du réveil pour ce gardien en place depuis de nombreuses années. « C’est lorsque le comportement des ours se rapproche le plus de leur mode de vie naturel. » Les omnivores inspectent encore et encore leur enclos, trouvent de quoi s’occuper dans chaque recoin et s’alimentent exclusivement des produits de la nature, sans le moindre apport humain. Thomas Zurbuchen apprécie tout particulièrement ces moments où son intervention se limite à une observation silencieuse. « Revoir les ours de près, les entendre et les sentir au printemps sont autant de choses qui me manquent en hiver. » Et surtout, cette saison de l’éclosion vient récompenser les mois précédents. Les préparatifs ont porté leurs fruits, le froid a été surmonté, les ours sont en pleine forme : pour le gardien, cela en fait la plus belle période de l’année, et bien plus encore. « Assister au printemps à la sortie en pleine forme des ours s’apparente pour moi à un treizième salaire. »
Vivre de près les premiers pas du printemps ? Gagnez ici un regard en coulisse et accompagnez le gardien d’ours Thomas Zurbuchen dans son travail durant toute une journée.